Des hommes trans et des personnes transmasculines sous testostérone ont développé du tissu prostatique
Trans men and transmasculine people on testosterone can grow prostate tissue
par Zinnia Jones, posté le 31 octobre 2020
Les connaissances du grand public sur les changements physiques induits par les transitions médicales peuvent être étonnamment lacunaires : les seins des femmes trans sont souvent pris (à tord) pour des implants ; nos néovagins, pourtant cicatrisés depuis bien longtemps, sont cruellement qualifiés de « plaies ouvertes » ; on pense que le THS est quelque chose que l’ont prend simplement pour la beauté du geste plutôt que pour remplir un objectif fonctionnel bien précis. Mais en réalité, le traitement hormonal chez les personnes trans active certains gènes que tout le monde possède, que l’on soit assigné·e homme ou femme à la naissance, et entraîne le développement des caractéristiques sexuelles secondaires associées. Les femmes trans qui prennent des œstrogènes vont développer des tissus mammaires ayant la même anatomie que ceux des femmes cis. Le néovagin peut se distinguer en couches de cellules hautement similaires au tissu vaginal ordinaire (Grosse et al., 2017). Et une étude récente a fait état d’une découverte « nouvelle et jusqu’alors méconnue » : la développement de tissu prostatique dans le canal vaginal des hommes trans et des personnes transmasculines qui prennent de la testostérone.
Anderson et al. (2020) ont examiné des échantillons de tissus prélevés sur huit hommes trans sous testostérone qui ont fait une vaginectomie (ablation du canal vaginal) dans le cadre d’une opération de réassignation sexuelle, ainsi que de quatre personnes intersexes avec un vagin qui avaient un excès d’androgènes produits de manière endogène.1Qui est produit par la structure elle-même en dehors de tout apport extérieur (Larousse) Chez sept des huit hommes trans, qui prenaient de la testostérone depuis 43 mois en moyenne, de très petites « glandes prostatiques » ont été trouvées, réparties sur la surface du tissu vaginal, et certaines ont été caractérisées comme « bien développées » :

On a constaté que ces cellules prostatiques exprimaient des récepteurs des androgènes dans 100% des cas. Moins fréquemment, c’est-à-dire dans 69% des cas, ce tissu était positif à l’antigène spécifique prostatique (PSA : prostatic specific antigen). Les auteur·es concluent que les caractéristiques de cette lésion sont cohérentes avec une forme de transdifférenciation médiée par les androgènes d’épidermoïde à prostatique, et ces glandes prostatiques ont également été trouvées chez les patient·es intersexes. Les auteur·es constatent que cela reflète « l’origine embryologique commune du vagin et de la prostate à partir du sinus urogénital », et « fournit la preuve que l’épithélium cervicovaginal peut rester plastique à l’âge adulte ».
Ce tissu prostatique, appelé « métaplasie prostatique associée aux androgènes », ne semble présenter aucun risque pour la santé. Il est décrit comme ayant une « apparence histologique commune »2par rapport à ce qu’on verrait chez un patient qui n’est pas imprégné aux androgènes (ndlr) et aucun·e patient·e n’a connu de croissance de cancer ou de masses à cet endroit lors du suivi, qui a pu durer jusqu’à 156 mois, ce qui a conduit les auteur·es à le qualifier de bénin. Ce phénomène démontre que les caractéristiques sexuelles du corps humain sont loin d’être régies par des distinctions binaires fixes et rigides – c’est un système aussi fluide et complexe que les innombrables glandes prostatiques miniatures qui se développent dans le canal vaginal.
