Les mecs trans et New York

par William Van Meter – 30 Octobre 2009

Sirotant son café au Variety Café de Williamsburg, Amos Mac ressemble au hipster gay typique. Sa fine moustache d’ado et son visage enfantin démentent ses 30 ans. Ses cheveux noirs sont courts sur les côtés avec une masse indisciplinée de boucles sur le dessus. Sur son torse, un grand tatouage dépasse un peu de son débardeur au col échancré : on y lit identity. En dessous, deux grandes cicatrices roses, en forme de demi-lune, attestent de sa double mastectomie. Tous les dix à quinze jours, le colocataire de Mac lui fait une injection, médicalement prescrite, de testostérone, aussi appelée « T » dans le langage FTM (transsexuel Female-To-Male). Mac n’a aucune envie d’une chirurgie en dessous de la ceinture ; ce n’est pas nécessaire pour lui ou pour les personnes avec qui il sort.

Mac ne se voit pas vraiment comme un mec, mais comme un « mec trans », quelqu’un qui, du sexe féminin, est passé du côté masculin du continuum du genre. Mac s’identifie aussi en tant que « mec queer », ce qui veut dire qu’il est souvent attiré par, et sort fréquemment, avec des hommes gays. Il appartient à une nouvelle génération qui se préoccupe moins des frontières du genre. « Quand j’étais une femme, ou une fille, ou peu importe, dit Mac, je me voyais clairement comme un pédé. J’étais attiré par la communauté des hommes gays, et c’est comme ça que je m’identifie. » Et même s’il est sorti avec des femmes, « je suis attiré par des mecs qui ont un peu de style. Ils n’ont pas besoin d’être gay, mais ils peuvent être un peu folles1. J’aime les queens un peu artistiques. »

Mac est le fondateur et l’éditeur du zine trimestriel Original Plumbing (Plomberie d’origine), titre qu’il tire du terme que des hommes trans utilisent pour parler de leur anatomie dans les petites annonces sur Craigslist. « C’est un projet très personnel, dit Mac, je voulais donner une voix aux mecs trans. »

Il y a toujours eu des mecs trans, et beaucoup préfèrent les femmes. Mais ceux qui s’identifient en tant qu’hommes gays sont de plus en plus visibles à New York, notamment dans les bars de Brooklyn où ils contribuent à augmenter le nombre déjà élevé de moustaches. Le Metropolitan de Williamsburg, en particulier, compte parmi sa clientèle beaucoup de mecs trans que l’on peut retrouver autour de son billard ou sur les sites de rencontre gay comme Manhunt. « J’aime les mêmes choses chez les hommes trans que chez les autres hommes, » dit Ben Riskin, un étudiant en droit de 26 ans, qui en a fréquenté plusieurs. « Ils sont masculins et souvent très séduisants. C’est puéril d’avoir peur des parties génitales biologiques féminines et de cette idée que cela détermine le genre d’une personne. Les gens sont attirés par d’autres gens. L’intérêt d’être jeune et queer c’est qu’il n’y a pas besoin de rentrer dans une case. »

« En grandissant, quelque chose me séparait de mes amies de sexe féminin, » dit Mac. « J’étais attiré par les habits masculins. Je piquais des crises quand je devais porter des robes. Mais en même temps, j’étais très fan de boys bands. Je n’étais pas typiquement un homme enfermé dans un corps de fille. Mais je ne me sentais certainement pas comme une fille. » Mac a décidé de transitionner il y a environ cinq ans. « Je me sentais de moins en moins relié à mon corps et de moins en moins capable d’être appelé « elle » ou d’être vu comme une fille ou même une femme masculine. J’ai longtemps essayé de ne pas transitionner. Je pensais que je pourrais vivre confortablement en étant une personne de genre neutre qui n’avait pas besoin de changer son corps. J’ai essayé de cultiver cette neutralité, et puis je n’en ai plus été capable. » Mac pense qu’à présent, en vivant en tant qu’homme queer, il est au final plus à l’aise avec son côté fem amoureux de boys bands. Il n’a désormais plus besoin de maintenir une posture masculine forcée pour pouvoir passer.

En 2008, Mac a quitté Brooklyn pour San Francisco. Il y est retourné pour être juge lors de la première compétition Mr Transman qui s’est tenue récemment à la Knitting Factory.

Là, les mecs trans ressemblaient à n’importe quel gars et parlaient souvent comme des étudiants diplômés en théorie queer. « Je suis gender-variant, un peu transgenre, » dit Twiz, 28 ans, un beau gosse genre punk-greaser2 à l’air dur, qui a eu une opération du torse mais ne prend pas de testostérone. « Je ne m’identifie pas comme homme ou femme mais sur un continuum fluide entre les deux. » Alors que la bière coulait à flot, la soirée à vraiment commencé quand les mecs trans ont lutté et rappé sur scène. Kit Yan de Brooklyn a fait une performance de slam qui a mis tout le monde KO. Il portait une combinaison de pyjamas et affirmait, sucette à la main, qu’il était un « tranny boy malin et sexy à la recherche d’un top dom fem qui pourrait lui donner des leçons d’étiquettes. » Yan a gagné le titre, ainsi qu’un sac de sex toys et un engin qui permet aux mecs trans d’uriner debout.

  1. ndt : queen / queeny dans le texte original désigne un homme aux manières expressives et féminines. Le terme est moins connoté négativement que folle. L’équivalent de folle serait plutot fairy. ↩︎
  2. mélange des cultures punk et blouson noir. ↩︎