Texte traduit par Lazz et remanié par TransFagTrad
Qui était Lou Sullivan ?
Who was Lou Sullivan?
par Liz Highleyman
Louis Graydon Sullivan était un pionnier du mouvement transgenre – pas simplement en tant qu’organisateur, mais peut-être en étant le premier transsexuel female-to-male à s’identifier publiquement en tant qu’homme gay.
Né en juin 1951 et nommé Sheila Jean, Sullivan a grandi dans une famille de la classe ouvrière dans la banlieue de Milwaukee. Il est allé dans des écoles catholiques et a travaillé en tant que secrétaire à l’université du Wisconsin après avoir eu son bac.
Bien que Sullivan se soit souvenu plus tard qu’il aimait « jouer à être des garçons » quand il était enfant, ses questionnements autour du genre et de la sexualité ont fait surface quand il était adolescent. « Je me regardais dans le miroir et me disait, « C’est toi, Sheila. Cette fille-là c’est toi. » Ça me semble tellement bizarre» a-t-il écrit dans son journal à l’âge de 14 ans. Peu de temps après, il a commencé à porter des chemises blanches pour hommes et des cravates, pour finalement y ajouter des pantalons, chaussures et coupe de cheveux d’homme.
Au début des années 1970, Sullivan se décrivait comme « une femme hétérosexuelle travestie attirée sexuellement par les hommes gays », et s’était embarqué dans une relation de longue durée avec un homme efféminé. Sullivan était actif dans le mouvement de libération gay en train de naitre, qui accueillait en son sein le mélange et la subversion au niveau du genre et appréciait l’esthétique androgyne de la contre-culture d’une manière générale. Il a participé au premier groupe militant gay de Milwaukee, le Gay People’s Union (GPU), et a aidé à produire sa newsletter. Sautant en plein milieu de la controverse au sujet du travestissement au sein du mouvement des femmes, il écrivit : « A Transvestite Answers a Feminist » pour GPU News en 1973, suivi des années après par « Looking Towards Transvestite Liberation », qui a été largement reproduit dans d’autres publications Gay et Lesbiennes.
Pendant les années qui ont suivi, l’identité de genre de Sullivan est passée de travestie à transsexuel. En 1975, lui et son petit ami ont déménagé à San Francisco ; en guise de cadeau de départ, sa famille qui le soutenait lui a offert un beau costume et une montre de famille avec gravée « Go West Young Man ». Mais même au sein du milieu queer de la ville, Sullivan avait des difficultés pour trouver des gens comme lui. « Je veux ressembler à ce que je suis » a-t-il un jour écrit, « mais je ne sais pas à quoi ressemble quelqu’un comme moi. » Bien que se présentant en tant que femme dans son travail de secrétaire pour la compagnie Wilson Sporting Goods, la plupart du temps Sullivan se travestissait complètement et vivait en tant qu’homme gay, sortant dans les bars gays et profitant d’une vie sexuelle aventureuse.
Sullivan a cherché à obtenir une chirurgie de réassignation de sexe à la fin des années 1970, mais fut refusé à répétition parce qu’il s’identifiait ouvertement en tant que gay à une époque où on attendait des personnes s’engageant dans cette procédure qu’elles adoptent les rôles de genre stéréotypés hétérosexuels du sexe opposé. « Ils étaient très investis dans le fait de prendre des garçons gays fifilles et les transformer en des femmes hétéro, et de prendre des femmes garçons manqués qui étaient socialement inacceptables et les changer en des hommes hétéro », d’après un autre FTM, Shadow Morton. Sullivan se souvient qu’une des cliniques de genre lui a dit qu’il était impossible qu’il puisse vivre en tant qu’homme gay, parce que les hommes gays étaient en premier lieu intéressés par les gros pénis.
La frustration de Sullivan l’a amené à faire campagne pour enlever l’homosexualité des contre-indications pour la réassignation de sexe – un effort qui a porté ses fruits à la fin des années 1980. À une époque où la plupart des ressources trans se focalisaient sur les transsexuelles male-to-female, il a été en tant que bénévole le premier conseiller pour trans à être FTM au sein de la Janus Information Facility de San Francisco (un centre d’information sur la transsexualité) et a écrit le plus ancien livret d’information pour les hommes trans, Information for the Female To Male Cross-Dresser and Transsexual (1980). Par la suite il a été l’auteur de la biographie d’un·e « passing woman » (ndt: femme passant et vivant en tant qu’homme) du début du 20ème siècle, Jack Bee Garland. Sullivan a co-créé la Gay and Lesbian Historical Society of Northern California (maintenant la GLBT Historical Society), aidant à assurer qu’elle soit inclusive de vies transgenres.
En 1979, après plusieurs refus des cliniques universitaires en place, Sullivan a trouvé des thérapeutes et médecins à l’écoute et a commencé à prendre de la testostérone. Il a eu une double mastectomie et a commencé un nouveau travail de technicien où ses collègues ne l’avaient jamais connu en tant que femme. Il a finalement été opéré des organes génitaux en 1986, mais a eu des complications et n’a jamais vraiment récupéré ; cette même année, il a été diagnostiqué en tant que séropositif. « J’ai pris un certain plaisir », écrit-il, « à informer la clinique de genre que même si leur programme m’avait dit que je ne pourrais pas vivre en tant qu’homme gay, il semblerait que je vais mourir comme l’un d’eux. »
Sullivan a consacré ses dernières années à transformer le réseau de contacts FTM qu’il avait acquis pendant plus d’une dizaine d’années en une organisation, et finalement en un mouvement visible. En 1986 il a commencé à tenir des rencontres de groupes de soutien pour les personnes sur le continuum transgenre masculin, qui se sont développées pour en arriver à l’organisation actuelle de FTM International – la plus grande et plus ancienne organisation de ce type toujours existante. Même à cette époque, il a continué à prendre le temps de répondre aux nombreuses lettres qu’il recevait d’hommes trans de toute la planète, espérant chasser le sentiment d’isolement qu’il avait lui-même un jour ressenti.
Sullivan est mort d’une maladie en lien avec le SIDA en mars 1991, après avoir dressé un plan pour faire en sorte que l’organisation qu’il avait créé continue. « Lou Sullivan a laissé derrière lui une mailing-list d’environ 230 noms, un rouleau de timbres, le modèle d’inclusion de son groupe de soutien, et l’éthique de servir une communauté dont il espérait l’existence prochaine. » a dit son de facto successeur Jamison Green. « Maintenant, ça existe presque. Dans sa vie et depuis sa mort, il a été source d’inspiration pour beaucoup d’hommes trans, gay ou hétéro. »
Pour en savoir plus :
Califia, Pat (Patrick). 1997. How Sex Changed (Cleis).
Green, Jamison. 2004. Becoming a Visible Man (Vanderbilt University Press).
FTM International newsletter. 2005. Louis Sullivan Memorial Issue (No. 58).
Disponible sur www.ftmi.org.
Liz Highleyman est éditrice et écrivaine freelance. Elle a beaucoup écrit sur la santé, la sexualité et la politique. Elle peut être contactée à l’adresse mail suivante : PastOut@qsyndicate.com.